L’équipe de la Salle de presse s’est récemment entretenue avec David G. LaFrance et son épouse, Lori LaFrance. Elder LaFrance a été nommé membre du sixième collège des soixante-dix de L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours lors de la conférence générale d’avril 2020. Il supervise l’interrégion du nord-est de l’Amérique du Nord et le Conseil de la coordination de Toronto. Nous avons invité le couple à nous faire part de ses réflexions à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Le Canada souligne chaque année la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation le 30 septembre. « C'est une occasion pour rendre hommage aux survivants, aux familles et aux communautés touchés par le système des pensionnats autochtones, a expliqué Elder LaFrance. Cette journée est importante, car elle encourage la réflexion, l’éducation et l’action en faveur de la guérison et de la réconciliation. »
Dans un discours de la conférence générale d’octobre 2018 intitulé « Le ministère de la réconciliation », Jeffrey R. Holland, le président suppléant du Collège des douze apôtres, nous a rappelé d’être des disciples de Jésus-Christ : « Jésus nous demande d’être des instruments de sa grâce, d’être, comme Paul l’a décrit dans Corinthiens, des “ambassadeurs pour Christˮ dans le “ministère de la réconciliationˮ. Le Guérisseur de toutes les blessures, celui qui redresse tous les torts, nous demande de travailler avec lui à la tâche intimidante de promotion de la paix dans un monde qui ne la trouvera d’aucune autre façon. »
Pouvez-vous nous parler un peu de vous, des communautés dont vous êtes issus et de votre héritage?
Elder LaFrance : Je suis né et j’ai grandi à Toronto, en Ontario. Mes ancêtres maternels viennent d’Angleterre et mes ancêtres paternels, du Québec. Ma lignée autochtone remonte à plus de onze générations au Canada.
Dès mon plus jeune âge, j’ai découvert la vie de ma famille autochtone. Je me souviens que mon père me racontait des histoires sur sa douce grand-mère, Virginie Leblanc, originaire d’Oka, au Québec, qui était membre de la Première Nation algonquine. J’ai appris à aimer son père, Pierre Mathias Ouabichib Leblanc, connu sous le nom de « Canard blanc ». Notre famille a conservé cet héritage intact en perpétuant certaines traditions autochtones, qui constituent encore aujourd’hui une part importante de notre identité.
Au cours des dernières années, j’ai mieux compris les répercussions dévastatrices que les pensionnats ont eues sur les familles autochtones au Canada. Bien que je n’aie pas de témoignage direct sur la façon dont mes arrière-grands-parents ont été affectés par ce programme, je ressens une plus grande empathie pour ceux qui en ont gardé des séquelles émotionnelles. Notre patrimoine constitue une source de fierté, mais il comporte aussi une histoire douloureuse, dont une grande partie reste inconnue.
Sœur LaFrance : Je suis née dans le sud de l’Alberta et j’ai grandi dans divers endroits de l’Ouest canadien. Mes ancêtres viennent d’Angleterre, d’Irlande, d’Écosse et des États-Unis. Lorsque j’étais jeune, mes grands-parents ont participé au Programme de placement des élèves indiens. Dans le cadre de ce projet, ils ont invité un garçon nommé Colin Manitoken, de la Nation crie de Muskeg Lake, à vivre avec leur famille pendant l’année scolaire. Ma famille élargie a accueilli ce jeune homme dès l’âge de 12 ans, et il est devenu mon oncle.
L’histoire de mon oncle Colin témoigne de l’importance des liens familiaux, de la résilience de la culture autochtone et du pouvoir de guérison au fil des générations.
Colin est né dans une famille profondément marquée par le système canadien des pensionnats. Sa mère, Mary, en était une survivante. Elle faisait partie des nombreux enfants arrachés à leur foyer et placés dans les pensionnats canadiens, un programme conçu pour assimiler les jeunes autochtones à la société blanche dominante. Ces écoles étaient tristement célèbres pour leur environnement difficile, souvent violent, où les langues et les traditions de ces peuples étaient réprimées.
Mary est entrée au pensionnat en tant que jeune fille et se souvient qu’on lui interdisait de parler le cri. Avec le temps, la langue qui la rattachait à son héritage a commencé à s’estomper. La répression constante, combinée aux sévices physiques et psychologiques, l’a fortement ébranlée. Vers l’âge de 14 ans, elle s’est enfuie de l’école, cherchant à s’affranchir des structures institutionnelles qui avaient façonné son enfance.
Le traumatisme qu’a subi Mary au pensionnat l’a empêchée de faire face à la maternité. Lorsque mon oncle est né, elle a décidé de l’abandonner à l’hôpital, le laissant aux soins de son arrière-grand-mère, Mary Greyeyes Manitoken.
À l’âge de 70 ans, Greyeyes Manitoken a découvert L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, et elle et mon oncle ont été baptisés. En raison de son âge avancé et de son incapacité à s’occuper de lui plus longtemps, elle a estimé que la meilleure solution pour son arrière-petit-fils consistait à le placer dans un foyer sûr et stable avec des parents plus jeunes. C’est ainsi que, vers l’âge de 12 ans, mon oncle Colin est entré dans le Programme de placement des élèves indiens. Il est retourné [chez lui] chaque été, renouant avec ses frères et sœurs et maintenant ses liens avec sa famille, même s’il passait l’année scolaire à vivre avec les membres de ma famille élargie.
Le Programme de placement des élèves indiens, comme beaucoup de programmes de son époque, présentait des aspects complexes. S’il a offert à certains enfants autochtones des possibilités d’éducation et de stabilité, il a également contribué à la perte de leur identité culturelle. Il a apporté à mon oncle un autre type de sécurité, mais au prix de sa séparation d’avec sa famille et de ses traditions pendant une grande partie de l’année.
Malgré ces difficultés, les relations nouées grâce au programme ont eu un effet durable sur notre famille. Mon oncle et ses descendants continuent d’entretenir des liens étroits avec les descendants de notre famille, son foyer d’accueil.
Comment participez-vous à la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation ou comment vous renseignez-vous sur les communautés autochtones de votre région?
Elder et sœur LaFrance : Au cours des années, nous avons participé à diverses activités pour nous informer davantage sur les communautés autochtones de notre région. Notre famille a assisté à des pow-wow et à d’autres cérémonies. Nos enfants ont pris part à des ateliers éducatifs autochtones sur l’histoire et l’héritage de ces peuples. Nous avons eu le privilège de rencontrer des dirigeants autochtones et d’apprendre de leurs points de vue et de leurs expériences.
Voici d’autres idées pour commémorer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation :
- Organiser des ateliers et des sessions d’étude sur l’histoire des peuples autochtones et les répercussions des pensionnats, ou y participer.
- Prendre part à des projets de service qui soutiennent les communautés autochtones locales, par exemple en faisant du bénévolat dans des centres communautaires, en participant à des efforts de nettoyage ou en prêtant main-forte à des collectes de denrées alimentaires.
- Soutenir les entreprises et les artistes autochtones pour favoriser le développement économique et la valorisation de leur culture.
- Engager un dialogue respectueux sur les expériences des peuples autochtones et inviter des conférenciers autochtones à partager leurs histoires et leurs points de vue.
- Participez à la Journée du chandail orange (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation) en portant un vêtement de couleur orange et en expliquant sa signification aux autres. Ce simple geste peut sensibiliser les gens et susciter des discussions intéressantes.
Pouvez-vous donner quelques exemples de la façon dont l’Église au Canada essaie de soutenir les communautés autochtones?
Elder LaFrance : Je suis reconnaissant à L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours pour les efforts qu’elle a déployés afin de soutenir les Premières Nations dans l’ensemble du pays. Par exemple, l’Église a participé activement à des projets de coopération avec un certain nombre de communautés autochtones de l’est du Canada. Au cours des trois dernières années, l’Église a financé l’achat d’équipements médicaux pour la Weeneebayko Area Health Authority, qui dessert six communautés éloignées des Premières Nations en Ontario. Elle a notamment contribué à l’achat de deux appareils de radiologie, dont le plus récent a été acquis en 2024 pour la réserve de Fort Albany.
Les membres des communautés autochtones étant de trois à cinq fois plus susceptibles de souffrir de diabète, l’Église a récemment subventionné un programme de prévention du diabète spécialement conçu pour les Haudenosaunee. Ce groupe, qui a participé au développement du projet, est composé des Premières Nations cayuga, mohawk, oneida, onondaga, sénéca et tuscarora. Cette année, l’Église poursuit ses efforts en finançant le travail commencé l’hiver dernier sur un deuxième programme de prévention du diabète conçu pour les Anichinabés. Il s’agit d’une coopération avec ce groupe qui comprend les Algonquins, les Chippewas, les Mississaugas, la Première Nation de Nipissing, les Odawas, les Ojibwés, les Potéouatamis et les Saulteaux. (Certains Métis et Oji-Cris se considèrent également comme membres de ce groupe culturel et linguistique).
Avez-vous une dernière remarque à nous transmettre sur la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation?
Sœur LaFrance : Je crois qu’il est possible de se rétablir et de se réconcilier au fil des générations. Le cas de mon oncle illustre le passé complexe et souvent douloureux des autochtones au Canada et témoigne du pouvoir de la famille et de la communauté, ainsi que de la perspective de guérir. Les rapports familiaux et notre capacité à resserrer les liens qui nous unissent nous mèneront vers la réconciliation.
Elder LaFrance : Les principes « de vérité et de réconciliation » sont profondément ancrés dans notre foi. On nous enseigne à rechercher la vérité et à travailler pour nous réconcilier avec Dieu et avec ceux que nous avons pu léser. Ces principes prennent tout leur sens lorsque je réfléchis à l’histoire et à l’expérience des peuples autochtones. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est l’occasion pour tous les Canadiens de reconnaître le passé et de s’engager dans un avenir rempli d’espoir.
Puissions-nous trouver du réconfort dans l’invitation du Sauveur à venir à lui d’un cœur pleinement résolu, et il nous guérira (voir 3 Néphi 18:32). Sa promesse de guérison s’étend à tous ceux qui le cherchent.